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Méditation en Velay
10 novembre 2014

Le travail avec les émotions


Il y a des manifestations qui permettent de voir l’ego réagir : elles sont désignées par un mot très poli dans la langue occidentale les "émotions" ou "émotions perturbatrices" ! En tibétain, cela se dit "nyeun mong" nyeun veut dire fou et mong aveugle. C’est-à-dire que nous sommes dans la folie, dans l’aveuglement de nous-mêmes. Il y a cinq émotions fondamentales : d’une part le désir ou attachement, puis son contraire que sont l’aversion, la colère, l’agression. Il y a ce qui est du domaine de l’orgueil, de l’importance de soi, le sentiment de supériorité et à l’opposé, l’envie, la jalousie, le sentiment d’infériorité. Au cœur de tout cela, l’ignorance : l’ignorance fondamentale ! Ignorance ne veut pas dire ne pas connaître quelque chose, ce qui nécessiterait l’utilisation d’un dictionnaire, d’une encyclopédie, pour savoir ce que nous ne savons pas, comme par exemple, l’ignorance de ce qui se passe à l’autre bout de la planète. Nous sommes dans l’ignorance de ce que nous sommes nous-mêmes. Nous sommes ignorants de nous-mêmes et tant que nous fonctionnons comme cela, le monde ne peut pas aller mieux puisque nous ne savons même pas qui nous sommes. Donc la base de tout est cette ignorance fondamentale qui fait que nous ne sommes pas conscients de nous-mêmes. Il y a un niveau très fondamental que l’on pénètre par l’absorption méditative, mais cette ignorance devient plus accessible justement à travers les émotions. L’ignorance est précisément le fait d’être inconscients de ce que nous sommes, de ne pas voir comment une émotion naît et comment nous la projetons sur les autres. La solution à la souffrance et aux problèmes n’est pas dans la volonté de changer les autres ou ce qui est à l’extérieur de nous mais de nous regarder et de nous transformer nous-mêmes. Grâce au regard des autres nous pourrons en prendre conscience. Si nous écoutons ce que les autres nous disent, nous pourrons voir ce qui ne va pas en nous. La difficulté est qu’il est très facile pour nous de voir les autres : "Ah, telle personne a tel problème, elle a telle émotion." Quand nous voyons le problème de l’extérieur, nous ne sommes pas impliqués, nous voyons simplement ce qui est, de manière neutre. S’il s’agit de nous, ça devient tout de suite très émotionnel, parce qu’il y a cet attachement à nous-mêmes et que nous n’avons pas envie de voir ou d’entendre des choses sur nous-mêmes qui ne nous plaisent pas. Or, tant que nous ne voudrons pas le voir et tant que nous ne voudrons pas l’entendre, rien ne changera.

 

Développer un regard intérieur

 

La difficulté est de développer une forme de regard intérieur. Habituellement avec nos yeux de chair, nous voyons tout ce qui est à l’extérieur. Les yeux peuvent tout voir très clairement sauf une seule chose : eux-mêmes. Avec l’esprit, nous voyons ce qui est extérieur, mais nous ne voyons pas en nous-mêmes. L’apprentissage spirituel consiste à développer une conscience de soi, un regard non pas tourné vers l’extérieur qui voit toujours les défauts des autres, mais un regard tourné vers l’intérieur pour prendre conscience de nos propres défauts. C’est un processus douloureux au début. Mais dès que nous prenons conscience d’un défaut, nous trouvons les moyens d’y remédier. Tant que nous ne nous rendons pas compte qu’il y a un problème, il n’y a aucune chance de jamais y porter remède. En enlevant les voiles, les uns après les autres, nous entrons en contact avec la dimension de sagesse propre à l’esprit. La pratique spirituelle ne correspond pas à une accumulation de qualités ou de connaissances, mais seulement de se défaire de ce qui est en trop. Nous souffrons parce que nous voulons faire et obtenir quelque chose. La méditation, c’est le contraire c’est un espace où nous ne cherchons plus rien ; c’est comme se laisser dépouiller de tout ce qui est en trop. En développant ce regard intérieur, nous prenons conscience des dispositions égoïstes et négatives qui s’élèvent sans cesse dans notre esprit ; dès qu’elles s’élèvent, nous les projetons sur les autres et nous en rendons les autres responsables. Si nous voyons ce processus, nous pouvons commencer à traiter les émotions. Il y a plusieurs méthodes et plusieurs degrés de pratique. Le premier degré consiste à reconnaître les émotions, à reconnaître leur dimension négative et à s’en prémunir. Si nous créons de la souffrance pour quelqu’un, nous sommes certains d’avoir un jour ou l’autre à vivre cette souffrance nous-mêmes. Ainsi vaut-il mieux s’abstenir de tuer, et pour s’abstenir de tuer, mieux vaut éviter les émotions, les états d’esprit qui conduisent à de tels actes, c’est-à-dire la colère, l’agression ou même l’avidité ou l’ignorance. Nous tuons quelqu’un parce que nous sommes en colère contre lui. Nous tuons un animal par désir, pour le manger. Nous tuons aussi simplement par ignorance "Ah cette mouche ! Elle me gêne, je la tue !" C’est d’abord dans l’esprit que cela se passe. L’esprit est la cause de ce qui se produit ensuite par la parole et le corps. Chaque fois, il faut arriver à déshabiller les bonnes intentions pour aller voir derrière les apparences, ce n’est pas aussi beau que nous le croyons ! Nous prendrons conscience des émotions en étant avec les autres, car c’est dans la rencontre avec d’autres personnes que les émotions s’élèvent.

 

Rencontrer les autres

 

 

Au lieu de voir les autres comme des fauteurs de troubles, des empêcheurs de méditer en rond, nous pensons que grâce à eux, nous percevons beaucoup mieux nos défauts. Quand le grand maître indien Atisha partit au Tibet pour enseigner le dharma, les Tibétains étaient perçus comme un peuple pacifique. Il s’est dit : "Si vraiment ces gens sont si gentils et qu’il n’y a pas de personnes agressives ou colériques, je risque de développer de l’orgueil et de manquer d’entraînement et ma pratique va se relâcher." Alors il emmena avec lui un moine de son monastère particulièrement colérique et agressif, pensant qu’il aurait ainsi quelqu’un pour s’entraîner ! Arrivé au Tibet, il s’est rendu compte qu’il aurait pu s’en passer. L’attitude de l’entraînement spirituel est de ne pas chercher à fuir la difficulté mais de se rendre compte que si quelqu’un nous met en colère, cela signifie qu’il y a de la colère en nous et que cette personne nous aide à la révéler et à la voir. De même, si quelqu’un nous agresse, c’est simplement le signe qu’il y a une cause antérieure. Au lieu de lui en vouloir, on se dit : "Grâce à lui, je peux prendre conscience de mon mauvais karma et comme j’en ai conscience, je peux m’en débarrasser ! S’il n’avait pas été là, j’aurais continué sans m’en rendre compte, je n’aurais jamais pu le purifier." Donc au lieu de lui en vouloir, nous éprouvons envers lui de la bienveillance. De plus, lui-même est en train de se créer du karma négatif. Nous lui sommes reconnaissants de nous faire progresser et nous faisons ce souhait : "Pourvu que tout ce karma, toute cette négativité, fondent en moi, mûrissent en moi et non en lui, lui qui m’a donné la possibilité de me libérer". Dans le mahayana, c’est grâce aux autres que l’on atteint l’Eveil. Pour un bodhisattva, les êtres ordinaires ont la même importance que les êtres éveillés parce qu’ils représentent les moyens de réaliser l’Eveil. Au lieu de réagir à une agression par une autre agression, notre réponse est une attitude intérieure de compréhension et de joie. Ses dispositions négatives vont se calmer parce qu’il va se sentir compris. La dette karmique va être purifiée. Mais si tout le monde est gentil, c’est dommage; si personne jamais ne nous embête, si nous nous entendons bien avec tout le monde, nous manquons d’entraînement, alors que faire ?

 

La progression sur le chemin

 

 Notre relation aux émotions se transforme au fur et à mesure de la pratique. Au début, nous avons une perception négative des émotions parce que nous sommes bien obligés de reconnaître qu’elles sont là et qu’elles nous dominent. Et puis, nous essayons de regarder directement l’essence des émotions. Parler de colère, d’orgueil et de jalousie, c’est un étiquetage que nous faisons sur des états mentaux. Ce que nous désignons par émotion, sensation ou perception, ce n’est rien d’autre que des pensées qui s’élèvent, que des moments de l’esprit. Si nous observons la pensée qui s’élève, nous ne pouvons la trouver. La conscience supprime justement la pensée. Nous découvrons que l’essence des pensées, l’essence des émotions est vide. Vide ne signifie pas ici néant, mais vide de réalité, d’existence. La manifestation des pensées qui s’élève dans l’esprit est une manifestation illusoire. Tant que nous sommes fascinés, cette manifestation apparaît comme étant vraie, comme étant réelle. Ce qui cherche et ce qui est cherché sont une seule et même chose. L’esprit ne peut pas se voir puisqu’il est l’esprit, puisqu’il est celui qui produit justement toutes les pensées. Regardant simplement le mouvement de l’esprit, des pensées qui s’élèvent et qui disparaissent d’elles-mêmes, nous ne sommes plus inquiets. Nous ne sommes plus dans la recherche, le besoin de voir, de trouver ou de comprendre. Ce mouvement de l’esprit est de lui-même naturellement libre. Si nous restons simplement conscients de ce fonctionnement, les pensées se libèrent sans que nous ayons besoin de faire quoi que ce soit. La difficulté, ce ne sont pas les pensées, ce ne sont pas les émotions qui s’élèvent dans l’esprit, c’est l’attachement. Au lieu de les laisser disparaître naturellement, nous les faisons exister et durer. Nous donnons une existence à quelque chose qui n’en a pas.


 

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